samedi 9 juillet 2011

Livres

J.M. Coetzee, Fragment d’un autoportrait


Qu'elle autre manière plus authentique et plus sûre de découvrir un auteur, de saisir l’homme derrière l’écrivain, sinon de lire cet être se raconter lui même! C’est du moins ainsi que dans vers l’âge d’homme, l’on voit filer au gré des pages et s’inscrire dans l’éternité les années de jeunesse de John Maxwell Coetzee qui nous livre, non sans une certaine pudeur, les angoisses et les tourments, les lectures et les rencontres, les espoirs et les déceptions qui ont marqués cet épisode de sa vie.

John a vingt ans à peine lorsqu’il achève ses études de mathématiques et quitte sa terre natale, l’Afrique du sud, gangrenée par l’apartheid et au bord de la révolution, pour s’installer en Angleterre, où il espère alors rencontrer "la belle étrangère mystérieuse qui libérera la passion qu’il porte en lui", et stimulera sa créativité, afin qu’il puisse se consacrer à l’art, comme il l’a toujours souhaité.

Mais parce que le destin n’obéit pas toujours à nos désirs, la vie d’artiste attendra,  John doit travailler comme programmateur chez IBM  afin de subvenir à ses besoins. Il lit Ezra Pound, T.S Eliot, Ford Madox Ford, Beckett, Pablo Neruda…, et entreprend des relations aussi dénuées d’intérêt et d’amour les unes que les autres. Londres, cette ville tant rêvée, ne lui offre ni l’amour, ni l’art qu’il attendait ardemment, pire, elle l’enfonce dans la foule compacte des salariés. Il n’écrit plus, doute de lui-même et sombre dans l’autodénigrement.

Ses interrogations sur l’art, et sur le chemin à parcourir pour atteindre la flamme créatrice qui sommeille en lui assaillent son esprit, c’est une problématique récurrente dans sa vie, pourtant il semble avoir pour cela une conviction, "le bonheur se dit-il n’enseigne rien. Le malheur, en revanche vous endurcit pour l’avenir. Le malheur est l’école de l’âme. Des eaux du malheur on émerge sur l’autre rive, purifié, fort, prêt à faire de nouveau face aux défis d’une vie pour l’art", il écrit plus loin " d’où nait la poésie, si ce n’est de la souffrance ?". Pour lui l’artiste ne doit être évalué qu’a la mesure de son art, c’est pourquoi " les artistes n’ont pas à être des gens moralement admirables, Tout ce qui importe est qu’ils produisent du grand art. Si son art doit émaner de son côté le plus méprisable, soit. Les plus belles fleurs poussent sur le fumier".

L’écriture est habile, le verbe est pleinement maitrisé, et le  propos est d’une grande subtilité.  L’auteur opère une distance en utilisant la troisième personne du singulier dans son récit, ce qui lui permet de porter un regard rétrospectif sur son passé, et aux lecteurs de partager ce recueillement.

Faisant suite à scènes de la vie d’un jeune garçon et précédant l’été de la vie paru chez le même éditeur, ce récit autobiographique -deuxième sur trois volets- constitue une béance rare et donc précieuse sur la vie du grand écrivain qu’est John Maxwell Coetzee, auteur de Disgrâce, de Michael K, sa vie, son temps, ainsi que d’autres chef d’œuvres qui lui valurent plusieurs prix littéraires, notamment le plus prestigieux , à savoir, le prix Nobel de littérature dont il fut le lauréat en 2003.
(Article non publié)

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