jeudi 22 décembre 2011

Livres


L’exil fécond - kamelBouchama

Des romans comme celui-ci, on n’en écrit plus, et des histoires comme celles qu’il recèle on en raconte plus. Ce qui n’est pas pour détourner notre curiosité et dévoyer notre soif de l’insolite. Dans ce conte fantastique,le narrateur fait la rencontre inattendue avec une mouche fort loquace qui  va lui dresser  le portrait d’une jungle aux mœurs peu scrupuleuses à travers les mésaventures d’animaux qu’elle a connu pour avoir élu domicile au-dessus de leurs têtes.
Mais avant, elle lui fit promettre de l’emmener avec lui, là où il s’apprête à aller pour une mission, "quelque part dans le monde des civilisés, dans le monde des justes", car dit-elle "je veux vivre dans la justice, dans la paix et la sérénité. Je veux vivre une ambiance de droit". Et c’est pendant le voyage qui durera trois heures que la mouche lui conte ses fameuses histoires.
D’abord, celle de la frêle gazelle et du brave petit éléphanteau qui se verront limogés de leurs postes pour d’abjectes considérations, après avoir durement travaillé pour le développement de leur jungle,  tout aussi affligeante, est l’histoire de ce chacal, oh combien prédateur qui sera à l’origine du plus grand scandale financier qu’a connu cette faune à laquelle le narrateur ne cesse de trouver des similitudes avec le monde des humains et celui dans lequel il vit en particulier.
L’avion atterrie, la mouche s’envole, mais l’histoire ne s’arrête pas là. Une fois sa mission achevée, le narrateur reprends l’avion pour retourner d’où il vient et qui trouve-t-il ? Encore une fois la mouche, qui, l’espace d’un séjour, a vu ses idées compétemment chamboulées, et a décidé de rentrer au bercail, et de contribuer à l’essor de sa jungle.  Voilà un exil fécond dont le récit occupera bien le narrateur pendant le voyage du retour.
N’est-ce pas un choix peu ordinaire que celui des fables animalières ? En effet, l’auteur des volumineux essaies politico-historiques  nous aura surpris par ce roman surréaliste. Ceci dit, ne vous y méprenez point, car même en optant pour le style allégorique et le langage métaphorique, KamelBouchamane s’est nullement éloigné de la réalité, pour preuve,il dépeint dans ce roman et sans complaisance aucune, la situation sociale et politique  Algérienne : " Il y a ces grands fléaux sociaux, comme la drogue qui prend des dimensions dangereuses, la délinquance qui infeste nos villes et villages, le vol et les détournement de deniers publics qui se répandent dans nos espaces économiques et financiers. Il y a aussi toutes ces implications de la tragédie nationale qui sont fondamentalement responsables des accumulations, des frustrations socio-économiques des populations». L’auteur a beau user des  critiques les plus acerbes et des plus vives remontrances, le livre non demeure pas moins optimiste, de par sa chute ainsi que par les espoirs qu’il insuffle au lecteur. Sa parole étant celle d’un homme engagé et volontaire qui  appelle la jeunesse à refuser cette culture de l’oisiveté et du gain immérité,  à faire sienne les valeurs du travail, de la justice et de la démocratie.
M. Bouchama, dont la carrière a instruit de bien des choses n’est dupe de rien, et c’est avec le désir de faire bénéficier ses lecteurs de cette clairvoyance qu’il a pris sa plume encore une fois. C’est donc avec une grande lucidité  et non sans un certain sens du devoir qu’ilentreprit l’écriture de ce roman qui ravive la fibre patriotique qui est en chacun de nous.
C’est un livre imaginatif, dense et généreux,écritd’une plume experte, et ciselé dans un langage distingué. Sa lecture est des plus agréables. Kamel Bouchama ne cesse de nous prouver qu’il est un homme de lettres au talent intarissable.  
(Paru dans L'ivrEscQ n° 14 - Nov/décembre 2011)

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